Action ou vérité | Mycroft

Spoiler:

Enola s’était réveillée plus tôt que prévu ce matin, prise par une sorte de mauvais pressentiment qui avait réveillé en elle une légère angoisse l’empêchant de continuer sa nuit. Tentant de se rendormir malgré tout, la brune se retourna dans son lit. Ce n’est qu’après de longues secondes qu’Enola avait remarqué cette enveloppe posée sur l’oreiller se trouvant à ses côtés. Qui avait bien pu poser cette enveloppe là ? Enola était certaine de ne pas avoir posé cette enveloppe ici. Mais alors qui s’était introduit chez elle durant la nuit pour la lui déposer ? Comment avait-elle fait pour ne rien entendre ? Pour ne rien sentir ? Pour ne pas se réveiller ? La jeune femme était restée là, à observer cette enveloppe quelques secondes sans même prendre la peine de la toucher, se questionnant alors sur son arrivée. Se redressant, elle attrapa l’enveloppe afin de l’observer de plus prêt. Il n’y avait rien d’écrit, aucune inscription, aucune indication. La brune ouvrit alors l’enveloppe pour y découvrir un papier à l’intérieur. Curieuse, la brune attrapa la feuille et la déplia. Il n’y avait que trois mots inscrits sur le papier : action ou vérité. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Était-ce une blague ? Quelqu’un avait peut-être voulu s’amuser ? Ou quelqu’un s’était peut-être trompé de destinataire ? Une chose est sûre Enola ne comprenait pas ce que cela voulait dire. Ce que cette lettre faisait là.

Ne se souciant plus de ce qu’elle venait de trouver, la brune rangea l’enveloppe dans sa table de chevet et parti prendre son petit-déjeuner avant de se préparer. Lorsqu’elle fut prête, la brune avait quitté son petit appartement pour se rendre à son lieu de rendez-vous. Là-bas, elle devait y rencontrer un nouveau client qui lui avait demandé de la retrouver ici.

Une fois arrivée au lieu de rendez-vous, Enola s’était installée à une table. En cherchant quelques documents dans son sac, elle était retombée sur cette enveloppe, celle contenant le papier où était inscrit : action ou vérité. Enola était pourtant certaine de ne pas l’avoir pris avec elle. Alors comment s’était-il retrouvé là ? La détective commençait à faire le lien entre son mauvais pressentiment et cette enveloppe qui semblait la suivre partout. Mais en même temps, ce n’était qu’une enveloppe, ça n’avait rien de très effrayant.

Le temps passait et le client n’était toujours pas arrivé. La brune s’apprêtait à partir quand elle vit Mycroft entrer. Si elle se levait maintenant, il allait forcément la voir. Elle ne devait pas se montrer, elle devait rester discrète. Enola devait attendre qu’il s’éloigne un peu pour partir.

Cet endroit n'était pas de ceux que Mycroft appréciait fréquenter, en règle générale. S'il appréciait boire un verre de temps à autre, il préférait fréquenter des endroits plus élégants, plus raffinés. Des clubs réservés aux élites intellectuelles de la société. Pas de vulgaires bars de quartiers dans lesquels n'importe qui pouvait entrer. Cependant, pour ne pas se montrer impoli et pour ne pas vexer son rendez-vous - très important pour sa vie politique future, selon lui - il n'avait pas discuté du lieu et il avait accepté sans sourciller.

Il s'était donc préparé, comme d'habitude, et s'était dirigé vers ce bar. Arrivé avec deux minutes d'avance, il s'était avancé pour s'installer rapidement, avant l'arrivée de celui qu'il attendait. Evidemment, plutôt que de tomber sur son rendez-vous, ses yeux se posèrent sur sa très chère soeur. Elle n'allait pas lui gâcher son rendez-vous - parce que bien sûr, c'était sa première pensée - par sa présence. Qu'importe ce qu'elle faisait ici, elle devait partir pour ne pas tout gâcher et pour ne pas le déranger.

D'un pas décidé, l'homme s'était donc dirigé vers elle, puisque la personne qu'il devait rencontrer n'était pas encore arrivée. « Que fais-tu dans un endroit pareil ? » Il oubliait les salutations d'usage et ne s'embêtait pas à prendre de ses nouvelles, puisque ça ne lui importait pas, de toute façon. Tout ce qui lui importait, c'était que sa soeur disparaisse du paysage pour le laisser mener ses affaires tranquillement, sans prendre le risque d'être dérangé par cette insupportable gamine bornée. « J'ai un rendez-vous particulièrement important, tu devrais partir. » Intima-t-il, comme si ce bar lui appartenait et qu'il avait le pouvoir de décider qui pouvait rester et qui devait partir. A cet instant, c'était tout ce qui comptait à ses yeux. Que sa soeur aille bien ou non, il s'en moquait. Que sa soeur ait un rendez-vous, il s'en moquait. Que sa soeur possède - sans qu'il ne le sache encore - une enveloppe parfaitement identique à celle qu'il avait trouvé à ses côtés ce matin en se réveillant, il s'en moquait. Après tout, ce n'était qu'un vulgaire bout de papier.

Cette journée semblait s’annoncer particulièrement mauvaise. D’abord, elle avait passé une mauvaise nuit et s’était réveillée avec un mauvais pressentiment. Ensuite, elle avait trouvé cette lettre, qui ne l’inquiétait pas trop à vrai dire, mais qui l’intriguait tout particulièrement. Puis son rendez-vous professionnel ne s’était finalement pas présenté, elle venait donc de se déplacer inutilement et venait de perdre du temps. Et enfin, pour finir, elle venait de tomber sur la personne qu’elle souhaitait le moins voir dans cette immense ville, c’est-à-dire son frère Mycroft. Elle avait bien évidemment fait en sorte de l’éviter, mais ça n’avait absolument pas fonctionné. Enola s’était pourtant faite discrète, elle ne s’était pas levé et avait baissé le regard et la tête pour ne pas se faire repérer, mais Mycroft l’avait vu. Ne pouvant, définitivement pas, faire comme s’il ne la connaissait pas, ce dernier s’était approché d’elle, lui demandant ce qu’elle faisait dans un endroit pareil et sans même lui laisser le temps de répondre, il lui demanda de partir puisqu’il avait un rendez-vous. Comment lui dire qu’elle était là pour un rendez-vous professionnel, elle aussi. Elle s’apprêtait d’ailleurs à le lui dire, mais elle s’était soudainement souvenue. Mycroft pensait naïvement que sa petite sœur avait désormais une petite vie bien rangée et qu’elle était devenue fleuriste. Enola n’avait pas envie que son secret se sache, parce qu’ainsi, elle avait un minimum la paix. Si Mycroft ignorait que sa sœur était encore détective, il ne pouvait rien lui reprocher et il n’allait pas chercher à la remettre, dans ce qu’il appelait, le droit chemin.

« Bonjour à toi aussi Mycroft. » Préféra-t-elle alors répondre. Ignorant la sommation de son frère, Enola restait tranquillement assise sur sa chaise. « Je suis également contente de te voir mon cher frère. » Ajouta-t-elle, toujours sur un ton qui, elle le savait, devait agacer Mycroft, mais il fallait bien avouer que c’était le but recherché.

La brune s’apprêtait à reprendre la parole, lorsque ses yeux furent attirés par une phrase inscrite sur le menu : Action ou vérité. Ces mots n’avaient aucunement leur place ici. Enola avait l’étrange impression d’être suivi par ces quelques mots, mais elle savait que tout cela n’avait aucun sens. Plongée dans ses pensées depuis quelques secondes, la brune en sortit grâce – ou à cause – du serveur qui venait de se présenter à elle. « Pardon ? » Elle avait l’impression d’avoir entendu ce qu’il avait dit, mais une fois encore, cela n’avait pas de sens. Pourtant, il avait répété ces trois mots, encore eux, toujours eux. « Écoutez, je ne trouve pas ça amusant. » Vraiment pas. Enola ne comprenait pas ce que tout cela voulait dire. Elle ne comprenait pas qui essayait de s’amuser avec elle, mais c’était loupé, parce que cela ne l’amusait pas. Perturbée, elle avait presque oublié la présence de son frère, elle s’était contenté de ranger toutes ses affaires et s’était relevée précipitamment. « Mycroft... » Dit-elle soudainement, en voyant ce qui l’entourait – ou plutôt ce qui ne les entourait plus. Il y avait encore quelques secondes, l’endroit était rempli de monde et maintenant, il n’y avait plus personne, plus aucun bruit. « Tout le monde à disparu. » Il l’avait sans doute remarqué, mais elle avait besoin de le dire à voix haute.

Ce rendez-vous, il n'allait certainement pas le manquer. Surtout pas pour sa soeur. Alors, sans un bonjour, il lui avait demandé de partir. Ce bar ne lui appartenait pas et chacun était libre de s'y installer, mais il pensait toujours avoir un certain pouvoir sur ce que les gens pouvaient ou ne pouvaient pas faire - sur sa soeur, tout particulièrement. Insupportable et insolente, comme à son habitude, Enola lui répondit par un bonjour à toi aussi qui l'agaça profondément, tout comme les mots qui avaient suivi. « Ne joue pas à ce petit jeu avec moi, Enola. » La mettait-il en garde, agacé. Non seulement, elle osait se moquer de lui, mais en plus de ça, elle ne semblait pas décidée à bouger de cette place. Très bien, s'il fallait la traîner dehors par la force, il le ferait.

Malheureusement, il avait été interrompu dans ses projets par le serveur qui était arrivé. Mycroft contenait donc sa colère et attendait patiemment, prêt à dire à ce dernier qu'il ne devait rien lui servir puisqu'elle partait. Cependant, la suite avait été particulièrement... étrange et déconcertante. Enola semblait discuter seule, ses réponses à ce serveur n'ayant pas le moindre sens. Plus étrange encore, elle s'était levée précipitamment en rangeant ses affaires comme pour fuir quelque chose - ce n'était pas pour déplaire à Mycroft, mais il savait qu'elle ne faisait pas ça pour lui obéir, alors il s'interrogeait. Puis, il fallait voir son visage... Elle était inquiète et perturbée. Que se passait-il ?

Il comprit que quelque chose n'allait vraiment pas lorsque sa soeur souffla son prénom. Il l'interrogeait du regard. Essayait de comprendre. Elle ajouta alors quelques mots terrifiants. Des mots qui poussèrent Mycroft à réaliser ce qu'il avait vu, mais qu'il refusait d'admettre - trop logique, trop terre-à-terre pour cela. Ils étaient seuls. Tout le monde venait de disparaître, de s'évaporer comme par enchantement. « Est-ce une plaisanterie ? » Sa soeur ne pouvait pas avoir fait un coup pareil, de cela, il en était certain. Mais alors qui ? Pourquoi ? Et, surtout, comment ? Peut-être que rien de tout ça n'était réel, peut-être que Mycroft était en train de rêver ? « Il faut toujours que tu attires les ennuis, Enola. » En revanche, si elle n'était pas coupable, elle était forcément responsable de ce qui était en train de se passer, aux yeux de son frère. Ce n'était pas lui, après tout, qui attirait les ennuis dans cette famille.

L’arrivée de Mycroft était pour la moins dérangeante. Dans ce monde, Enola rêvait de tranquillité. Elle rêvait d’une vie loin de son frère aîné. Toujours trop lui, dans un monde si différent du leur. Il ne pouvait pas garder le même comportement envers elle ou envers n’importe qui d’autre. Ici, il n’avait plus aucune autorité sur elle. Ici, il n’avait plus à lui interdire quoi que ce soit, ni à lui imposer quoi que ce soit. Voilà pourquoi Enola n’avait nullement l’intention de quitter cet endroit, même si Mycroft venait de lui exiger. S’il se sentait gêné pas la présence d’Enola, s’il n’avait pas envie de la voir, c’était à lui de partir, non à elle. Agacée par le comportement de son frère, Enola se moquait de lui – ce qui avait tendance à agacer son aîné, pour son plus grand plaisir – en le saluant et en ignorant sa requête. « Mais je ne joue à aucun jeu. » Ajouta-t-elle alors, un léger sourire aux lèvres. Bien évidemment qu’elle jouait et elle aimait ça. Faire enrager son frère, ne pas lui obéir et lui montrer qu’elle était plus que ce qu’il imaginait.

Si le serveur n’était pas arrivé, Mycroft se serait sans doute énervé plus encore, lui demandant de partir à nouveau, en lui manquant de respect encore. Enola ne s’attendait pas à ce que ce soit le serveur qui lui cause des ennuis. Il lui avait suffi de prononcer trois mots pour qu’Enola commence à se sentir étrange. Il venait de lui dire : « Action ou vérité ». Ces mêmes trois mots qui étaient inscrits dans l’enveloppe qu’elle avait retrouvée sur son oreiller ce matin. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Était-ce une plaisanterie – qui n’avait, certes, rien d’amusant –, une mauvaise blague ? Enola devait avouer que cette histoire commençait à l’effrayer. Perturbée et pressée, elle avait rangé ses affaires. Mycroft avait gagné – sans en être la cause – elle allait partir. Seulement, en relevant les yeux, la brune avait remarqué qu’il n’y avait plus personne. Plus personne en dehors de son frère et d’elle. Puisqu’elle était seule avec lui, elle l’informa de ce qui venait de se passer. Comment était-ce seulement possible ? Comment autant de personnes avaient pu disparaître en aussi peu de temps, en l’espace de quelques secondes seulement ? « Comment est-ce que tu peux prétendre que c’est de ma faute ? » Dit-elle avec une pointe d’agacement et de colère. Que lui avait-elle fait pour qu’il la déteste à ce point depuis toujours ? Que lui avait-elle fait pour qu’il ne cesse jamais de s’en prendre à elle, de lui remettre la faute dessus sans cesse ? Ne pouvait-il pas se comporter comme un frère pour une fois ? Ne pouvait-il pas se comporter comme Sherlock ? Il se pensait tellement supérieur, pourtant, il avait tellement à apprendre de lui. « Regarde ! » Dit-elle alors, plus calme, mais plus apeurée en lui désignant tous les écrans présents, toutes les affiches présentes. Tout avait changé. Il n’était plus question d’afficher les différents menus, seulement les trois mêmes mots, encore et toujours. Les écrans avaient pu changer avec l’aide de quelqu’un, mais les affiches ? Personne n’avait pu les mettre en place si vite et si discrètement. « Regarde, j’ai reçu cette lettre ce matin. » Dit-elle en lui montrant l’enveloppe qui était posée sur son lit quelques heures plus tôt. « Regarde ce qu’il y a d’inscrit sur le papier. Ce sont les mêmes mots. Ça ne peut pas être un hasard. » L’espace d’un instant, Enola avait oublié leur différent, elle avait oublié leurs différents… Elle aurait tellement préféré avoir leur mère à leur côté ou encore Sherlock, ou n’importe qui d’autres en réalité, n’importe qui, qui n’était pas Mycroft.

Elle n'était là que depuis une minute, mais déjà Enola l'insupportait profondément en se moquant de lui. Et elle ne l'insupportait que davantage lorsque son comportement devint soudainement très étrange. Elle s'était levée précipitamment pour prendre ses affaires, avant de souffler le prénom de son frère, terrifiée. En prêtant attention aux alentours, Mycroft avait remarqué qu'il n'y avait plus personne avec eux. Ils étaient seuls. Les autres clients avaient disparu. Comment était-ce possible ? La logique de Mycroft l'empêchait d'accepter l'évidence. Selon lui, il y avait forcément une explication rationnelle et s'il avait conscience que sa soeur ne pouvait pas être à l'origine de tout cela, il jugeait tout de même qu'elle en était responsable : Enola attirait les ennuis comme personne. « Je ne prétends pas que c'est ta faute. » Rétorqua-t-il calmement, sans développer davantage. Il avait bien autre chose à faire que de rassurer sa jeune soeur. Il devait comprendre ce qui était en train de se passer puisqu'il avait un rendez-vous important.

Enola, soudainement, s'était inquiétée d'autre chose. Elle regardait partout autour d'elle, apeurée, en désignant à son frère tout ce qui les entourait. Mycroft avait alors tourné le regard vers les différents écrans, les affiches... Chaque mot avait été remplacé par d'autres mots : action ou vérité. Qu'était-ce que cette mauvaise plaisanterie ? Qu'était-il censé faire ? Rire ? Avoir peur ? Jouer à ce jeu stupide ? Il avait poussé un long soupir avant que, finalement, sa soeur ne sorte une enveloppe pour lui montrer. D'une main, qui tremblait légèrement malgré toute sa bonne volonté, il avait sorti le papier de l'enveloppe pour y lire les mêmes mots. « J'ai reçu très exactement la même enveloppe et le même papier... » souffla-t-il, oubliant son agressivité habituelle et sa froideur. « Elle est chez moi. » Dit-elle sans se douter qu'elle était, en réalité, dans la poche de son manteau. « Je ne comprends pas : qu'est-ce que tout cela signifie ? » Peut-être qu'Enola aurait davantage d'informations à ce sujet ? Après tout, ces ennuis, il les avait bien à cause d'elle ? Cette lettre, si elle était identique à celle d'Enola, ce ne pouvait pas être un hasard ! Dans quels ennuis l'avait-elle encore mis ?

Tout devenait étrange autour d’eux. Le serveur avait prononcé les trois même mots que ceux qui étaient inscrits dans la lettre qu’elle avait reçu le matin même. Puis tous les clients avaient disparu. Et enfin, tout ce qui les entourait avait changé. Les affiches, les écrans… Rien n’était plus comme avant, en revanche, il y avait ces trois mots, encore. Partout autour d’eux, il était écrit : « Action ou vérité. » Pourquoi ? Quel était le but de tout cela ? Était-ce un piège de la ville ? Une mise en scène de Mycroft pour faire comprendre à Enola qu’il savait qu’elle était toujours la même et qu’elle lui avait menti concernant son activité ? C’était sans doute improbable. Ce n’était pas son genre. Lui, il était plutôt du genre à affronter sa sœur, à la menacer et à la forcer à parler par tous les moyens. Jamais il se serait amusé à faire une telle mise en scène. Alors était-ce un mauvais tour d’une autre personne ? Mais le pourquoi se posait toujours. Quel était le but de ce jeu, de cette mise en scène ? Pourquoi l’avoir choisi elle ? Et lui, puisqu’il disait avoir reçu la même lettre ? « Je l’avais laissé chez moi également et en ouvrant mon sac, j’ai vu qu’elle y était. » Sauf qu’elle n’y était pour rien, elle se souvenait précisément l’avoir posé, elle se souvenait l’avoir laissé. Seulement, elle vivait seule, personne n’avait pu lui déposer dans son sac. Personne… Ce qui voulait dire que c’était l’action d’un être invisible ? D’une force invisible ? Ou est-ce que la lettre était ensorcelée ? Dans ce monde, c’était tout à fait possible. Et si c’était justement ce monde le responsable ? Cette ville ? Cette force étrange qui semblait être à la tête de nombreuses mises à l’épreuve ? Et si ce n’était qu’une mise à l’épreuve supplémentaire ?

Enola reposa ses affaires sur la table, s’approchant d’une affiche qui, quelques minutes plus tôt, montrait quel était le menu du jour. La détective posa ses mains sur l’affiche à la recherche du moindre indice. « Je ne sais pas. » Répondit-elle à son frère après plusieurs longues secondes de silence. « Tu crois qu’on doit répondre à la question ? Qu’on doit choisir de dire la vérité ou d’effectuer une action ? » Ça paraissait si stupide en réalité. Pour Mycroft, ça allait sans doute lui paraître stupide. « Ou est-ce qu’on doit chercher des indices pour mettre fin à cette mascarade ? » Voilà que son côté détective ressortait, mauvaise chose en présence de Mycroft.

Mycroft ne paniquait pas facilement - ou, tout du moins, il ne le montrait pas. Cependant, cette situation avait de quoi le faire paniquer sérieusement. Il n'était pas habitué aux phénomènes paranormaux. Il avait vécu certaines choses dans cette ville, mais de là à dire qu'il s'y était habitué... Non. Donc, expliquer la disparition de tous les clients de ce café ou cette étrange répétition d'action ou vérité... Il en était incapable. Aucune de ses explications rationnelles ne pouvait réellement justifier tout ce qui était en train de se passer. Moins encore lorsqu'il eut entre les mains la lettre que sa soeur avait reçu. Il avait eu la même. Exactement la même. Il ne s'en était pas soucié plus que ça, mais... C'était la preuve que rien de tout cela n'était un hasard. Tout avait été prémédité.

Cette lettre, en plus d'être porteuse d'un message qui devenait effrayant, avait, semblait-il, la capacité de se téléporter, de se déplacer seule ou il ne savait quoi d'autre. En effet, elle était apparue mystérieusement dans le sac de sa soeur alors qu'elle l'avait laissée chez elle. Autant dire que cette fois-ci, il n'avait même pas envie de remettre sa parole en doute et il la croyait - même s'il aurait préféré ne jamais avoir à la croire pour ce genre de choses.

L'affaire était sérieuse. Mycroft était complètement perdu. Ce n'était pas son domaine. Loin de là, même. Sa soeur avait fini par reposer ses affaires sur la table pour observer l'une des affiches qui affichait le même message que la lettre dans l'enveloppe. Pendant ce temps, Mycroft avait eu comme une intuition. Sa main s'était glissée dans la poche de son manteau et en avait ressorti la fameuse enveloppe. Il restait silencieux, l'observant d'un oeil méfiant, tandis que sa soeur répondait à sa question : qu'est-ce que tout cela signifiait ? Il en oubliait finalement les réponses à ses questions pour simplement souffler : « Enola... » Et il s'approchait pour lui montrer la lettre. « Elle est là... Elle était là, dans ma poche. » Alors qu'il était certain de ne pas l'avoir embarquée, lui non plus. « Répondre à cette question ? Pourquoi faire ? » Se questionnait-il bêtement, revenant à la réalité et répondant aux interrogations de sa petite soeur. « Si on entre dans ce jeu, rien ne nous dit que l'on pourra en ressortir, alors que si on refuse de jouer... Ils seront bien obligés de nous laisser partir. » Il était naïf. Beaucoup trop, même. « Et on ne jouera pas aux apprentis détectives. » Surtout pas elle. Après tout, n'était-elle pas censée avoir raccroché ?

Autour d'eux, tout le décor avait changé. Sur les écrans et les affiches, une seule phrase était écrite : action ou vérité. Était-ce un jeu ? Un défi lancé par la ville ? Devaient-ils seulement répondre à cette question, prendre une décision, choisir l’un ou l’autre. Enola se questionnait. Peut-être devaient-ils seulement trouver comment sortir de cet endroit, comment arrêter toute cette mascarade. Sans perdre de temps, Enola s'était rendue près d’une affiche pour l’observer de plus près. Des indices, il y en avait forcément. Seulement Enola oubliait une chose, Mycroft était là. Lors de leur dernière rencontre, Enola lui avait dit qu'elle n'était plus détective, elle avait inventé un mensonge disant, que dans ce monde, elle était devenue fleuriste. Jouer les détectives devant lui n'était peut-être pas une bonne idée, mais elle avait l'impression de ne pas avoir le choix.

Alors qu'elle observait une affiche, Mycroft s'était approché d'elle. Elle était là. Depuis le début, elle était là. Juste dans sa poche. Lui aussi avait pensé l'avoir laissé chez lui, mais elle l'avait suivi. Sans la prendre, Enola observait la lettre. À première vue, elle était identique à la sienne. Rien ne différait. Voilà pourquoi il s'était retrouvé ici tous les deux. Voilà pourquoi tout le monde avait disparu, alors qu’eux étaient toujours là. Ce test, c’est à deux qu’ils devaient le passer.

Alors allaient-ils devoir répondre à la question ? Enola avait l’impression qu’ils n’allaient pas avoir le choix. Mais Mycroft ne semblait pas du même avis qu'elle. Il ne semblait pas vouloir répondre à la question, ne semblait pas vouloir se prêter au jeu. D'après lui, s'ils entraient dans ce jeu, rien ne leur garantirait de pouvoir en sortir. Persuadé que, s'il refusait, la ville serait bien obligée de les laisser partir. Une erreur sans doute. La ville n'avait jamais voulu abandonner face aux habitants. D’après le vécu d’Enola, d'après tout ce qu’elle avait déjà entendu, les habitants de cette île devaient jouer, ils devaient essayer de s’en sortir par eux même, mais jamais, ils avaient pu seulement y échapper en refusant d’y participer. Et Enola avait l’impression que cette fois-ci, c’était la même chose. Elle avait l’impression que, pour sortir d’ici, ils allaient devoir répondre à la question et le faire jusqu’à ce que la ville en ait fini avec eux, jusqu’à ce qu’elle décide de les laisser partir. Surtout que Mycroft n’avait pas envie de jouer les détectives, alors il n’allait pas avoir le choix. « Si nous avons reçu cette lettre tous les deux, ce n’est pas un hasard. » Enola en était convaincue. « Et je ne pense pas que la ville veuille bien nous laisser partir comme ça, sans qu’on ait à répondre à la question. » Ce serait si simple dans ce cas. « Sans oublier que si tu ne souhaites pas chercher le moindre indice sur ce qui se passe, on n'aura pas le choix. » C’était l’un ou l’autre, même si Enola était presque certaine que chercher des indices n’allait pas les faire sortir, mais que ça pourrait, au moins, les aider à comprendre.

« C’est fermé. Il fallait s’en douter. » Dit-elle après s’être relevée pour aller à la porte d’entrée. Elle était fermée. Ce n’était pas étonnant. Ils échappent à la question depuis bien trop longtemps, ils devaient répondre désormais. « La ville s’agace. On doit répondre. » Dit-elle pour essayer de convaincre la tête de mule qui lui servait de frère. « Vérité. » Lâcha-t-elle alors, commençant le jeu. Aussitôt, les écrans avaient changé, laissant une première question apparaître. Quelles personnes lui avaient le plus manqué dans ce monde à son arrivée ? Une question simple. « Mère, Sherlock et Tewkesbury. » Répondit-elle franchement, sans craindre de blesser son frère. Après tout, il devait bien savoir qu’il ne lui avait pas manqué.

La réponse était juste, elle n’avait pas menti. Alors l’écran était revenu à la question initiale : Action ou vérité. « C’est à ton tour de choisir. »

Mycroft ne voulait pas jouer. S'il refusait, personne ne pouvait l'y obliger et cet endroit devrait bien le libérer, non ? Il n'allait pas le garder éternellement, tout de même. Se trompait-il ? Cet endroit pouvait-il le garder éternellement ? Pourquoi pas, après tout... Cet endroit avait bien été capable de tous les attirer dans ce monde du futur depuis quatre années, alors pourquoi pas les obliger à jouer à ce stupide jeu d'étudiants ? Ce qu'il détestait tout cela !

Enola, comme toujours, avait quelque chose à dire. Evidemment que ce n’était pas un hasard s'ils avaient reçu cette lettre tous les deux. Pensait-elle qu'il était idiot à ce point ? « Evidemment que ce n'est pas un hasard ! Penser le contraire serait parfaitement stupide ! » Cette ville trouvait amusant de réunir le frère et la soeur pour les obliger à travailler ensemble. Dans quel but, en revanche, il n'en savait rien et il s'en moquait pas mal. Tout ce qu'il voulait, lui, était de sortir de ce lieu et de ce jeu. Cependant, Enola pensait qu'ils n'avaient pas le choix. Pour se libérer, ils devaient jouer - d'autant qu'il refusait de se plier à un jeu de détective en plus de tout.

Mycroft, dans un premier temps, ne répondait rien. Il considérait la situation. Enola avait, pendant ce temps, essayé d'ouvrir la porte, en vain. Instinctivement, stressé, il s'était passé une main sur le visage. Très bien, puisqu'il n'avait pas le choix, il allait céder à cette chose plus capricieuse encore que sa soeur. « Très bien. A toi l'honneur. » Avait-il alors soufflé, partagé entre l'angoisse et l'agacement de devoir se plier aux ordres d'une entité invisible.

Enola avait donc commencé en choisissant vérité. Sa question était plutôt facile : quelles personnes lui manquaient le plus. En toute franchise, sa soeur avait répondu sans le citer, ce qui le fit pousser un soupir - mais il ne s'en étonnait pas, il savait qu'elle ne le portait pas dans son coeur. « Vérité. » Lâcha-t-il avec agacement, puisqu'il n'avait pas le choix, tandis que sa soeur avait réussi son tour. L'écran afficha alors sa question : aimes-tu ta soeur ? La question avait surpris Mycroft. Le pousser à avouer des sentiments qu'il refusait toujours... C'était bien joué ! Il détestait se montrer faible et humain. Cependant, quelque chose lui soufflait qu'il n'avait plutôt pas intérêt à mentir. « Oui. » Répondit-il alors simplement sans détailler davantage et, surtout, sans regarder sa soeur. Il ne détestait pas Enola. Il détestait son caractère, son comportement, ses choix, sa liberté, son manque d'obéissance, mais il ne la détestait pas elle. Il préférait lorsqu'elle n'était pas dans les parages et lorsqu'elle ne le dérangeait pas, mais il l'aimait, malgré tout.

Il était temps d’entrer dans le jeu de cette ville. Si cette question était notée partout. S’ils avaient reçu cette lettre. Et si cette porte était désormais fermée, c’était qu’ils devaient répondre à cette simple question. Ils n’avaient pas d’autres choix. Enola avait alors commencé. De toute façon, Mycroft lui avait bien gentiment laissé l’honneur de commencer. Il était sans doute trop lâche et trop apeuré pour commencer. Qu’importe, puisque Enola comptait commencer.

La jeune femme avait donc fait son choix, elle avait d’abord choisi vérité et avait dû dire quelles personnes lui avaient vraiment manqué dans ce monde. Même si Mycroft était présent, elle se devait de dire la vérité, il ne lui avait pas manqué. Mais Mycroft connaissait leur relation compliquée et il devait savoir qu’il ne comptait pas parmi les personnes qu’elle voulait revoir dans ce monde. Puis ce fut au tour de Mycroft. À son tour, il avait choisi vérité et cette fois-ci, il avait dû dire s’il aimait sa sœur. La réponse était pour le moins étonnante et le regard d’Enola ne pouvait que représenter cet étonnement. Il l’aimait. Vraiment ? Alors, il avait une drôle de façon d’aimer les gens. Malgré la réponse, Enola n’avait rien répondu. Elle avait attendu que la question initiale soit de nouveau inscrite et elle avait fait son choix. « Action. » Dit-elle sans trop réfléchir, ne sachant pas ce qui pouvait l’attendre derrière ces choix. Prends ton frère dans les bras. Sérieusement ? Pourquoi ? Quel était le but de tout cela au juste ? Est-ce que c’était un coup de la ville ou de n’importe qui d’autre pour essayer de les réconcilier ? Parce que si c’était le cas, ils pouvaient arrêter tout de suite, parce que rien n’allait les réconcilier. « Quoi ? Jam… » Refuser de le faire n’était sans doute pas une bonne idée. « Rrh… C’est parfaitement ridicule ! » Dit-elle en grimaçant, mais en s’avançant tout de même vers lui, puis après un soupir, elle le prit dans les bras. L’étreinte n’avait duré qu’une ou deux secondes et elle espérait que cela suffise, parce qu’elle ne comptait pas renouveler l’opération. Fort heureusement, la question initiale était de nouveau affichée, ça avait fonctionné, c’était donc au tour de Mycroft de faire un choix.

Avouer à sa soeur qu'il l'aimait n'était pas la chose la plus simple qu'il avait eue à faire dans cette vie et dans ce monde, mais puisqu'il n'avait pas le choix, il l'avait fait. Il tentait alors, tant bien que mal, d'ignorer le regard de sa soeur après cet aveu. Il se sentait suffisamment gêné comme ça, inutile d'y ajouter la surprise et l'étonnement de cette dernière.

De toute façon, ils n'avaient pas le temps de discuter puisque le tour d'Enola était arrivé. Cette fois-ci, elle avait choisi action. Les écrans affichèrent donc une action : Enola devait prendre Mycroft dans ses bras. Etait-ce une sorte de mauvaise plaisanterie ? De caméra cachée comme il avait pu en voir à quelques reprises depuis son arrivée ici ? Dans tous les cas, c'était parfaitement ridicule ! - comme l'avait exprimé sa soeur à voix haute, en même temps qu'il l'avait pensé. Enola avait voulu refusé, puis avait hésité, avant de finalement l'étreindre une courte seconde. Ce contact n'était agréable ni pour l'un, ni pour l'autre, et encore moins naturel, alors il appréciait que cela ne dure pas davantage.

« Allons-nous devoir jouer longtemps à ce jeu ridicule ? » S'était-il agacé en voyant la question apparaître de nouveau. Mais, évidemment, il n'obtenait aucune réponse. Alors, puisqu'il n'avait pas le choix, il choisissait donc à nouveau : « Vérité. » Qu'allait-on lui demander désormais ? De déclamer un poème sur la famille à sa chère soeur ? Non. Cette fois-ci, la question était beaucoup moins amusante, même pour lui. « Qui choisirais-tu entre ta soeur et une pièce pleine d'inconnus ? » Pour ? Choisir pour faire quoi ? Vivre ou mourir ? C'était en tout cas ce qu'il comprenait du sens de cette question - sinon, elle n'en avait aucun. « Je sais que cela peut paraître surprenant, mais j'ai le sens de la famille. » Affirma-t-il, tant pour cette chose qui contrôlait cet instant que pour sa soeur. Il était loin d'être le frère idéal, mais il était persuadé d'agir pour le bien des siens. Toujours - ou presque. « Je choisis Enola. » Aussitôt, un bruit affreux avait résonné autour d'eux. Des cris, de dizaines de personnes, résonnaient dans leurs oreilles. Leur choix avait donc des conséquences ? Ou n'était-ce qu'une mise en scène ? « Ne me dis pas que... ? » Mycroft était incapable de terminer sa phrase, mais son regard, posé sur sa soeur, en disait très long sur sa question et sur son état - il n'était pas qu'un monstre, après tout. Et c'était trop, même pour lui.

Ce jeu était ridicule. Stupide. Pourquoi devait-elle dire qu'elle n'avait pas voulu le revoir à leur arrivée dans ce monde ? Pourquoi devait-il dire qu'il aimait sa sœur ? Pourquoi devait-elle l'étreindre ? Le frère et la sœur n'avaient jamais été proches, alors pourquoi les forcer à avouer ce qu'ils n'avaient pas envie d'avouer ? Pourquoi les forcer à faire ce qu'ils n'avaient pas envie de faire ? A quoi est-ce que tout cela rimé ? Quel était le but de ce jeu ? Y en avait-il seulement un ? Jusqu'où allaient-ils devoir aller exactement ? Enola et Mycroft s'agaçaient - et il y avait de quoi - ils avaient hâte que ce soit la fin. Hâte que ce jeu stupide s'arrête. Hâte de ne plus avoir de choix à faire. Hâte de ne plus avoir à répondre à de stupides questions.

C'était maintenant au tour de Mycroft, qui avait choisi, une fois de plus, de répondre vérité. Voilà qu'il devait dire qui il choisirait entre sa sœur et une pièce remplie d'inconnus. A sa grande surprise, Mycroft avait répondu qu'il avait le sens de la famille et avait ajouté qu'il choisissait Enola. A ce moment précis, Enola avait tourné le regard vers Mycroft. Se sentait-il bien ? Était-il réellement lui ? Enola n'avait pas vraiment l'impression de reconnaître son frère depuis le début de cet étrange jeu. Seulement, elle n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit, puisque des cris provenant d'elle ne savait où venaient de résonner. Plusieurs personnes venaient de crier et Enola avait peur de connaître la raison de ces cris. A cet instant, le regard d'Enola avait changé. Ses yeux laissaient paraître la peur qui l'avait envahi, les larmes naissantes montraient la peine qu'avaient générée ces cris. D'un signe de tête, elle avait répondu "non" à son frère. Non, ça ne pouvait pas être ça. C'était impossible.

Enola aurait voulu partir, mais c'était à son tour de choisir : Action ou vérité. « Non ! J'arrête. Je ne veux plus jouer. Tout cela est ridicule. Laissez-nous sortir de là. Vous m'entendez, c'est terminé, on ne joue plus. » Lâcha-t-elle en s'adressant à la personne ou à la chose qui était derrière ce jeu stupide. Les choses avaient pris un nouveau tournant. Leurs choix avaient désormais des conséquences, de véritables conséquences. Enola voulait arrêter, elle n'avait plus envie de jouer et elle savait que Mycroft n'en avait plus envie non plus. Seulement l'écran afficha une nouvelle phrase. Désormais, il était écrit : Dernière chance : Action ou vérité ? Ils n'avaient donc plus le choix, ils devaient continuer le jeu, sans quoi, il y aurait des conséquences ? Mais pendant combien de temps allaient-ils devoir choisir ? « Action... » Lâcha-t-elle alors, dans un souffle, signe de désespoir. Attrape le couteau à ta droite et choisis qui blesser entre ton frère et toi. D'un geste hésitant, Enola s'exécuta et attrapa le couteau qui se trouvait à ses côtés. Après avoir lancé un regard à Mycroft, elle leva son bras gauche et s'entailla l'avant-bras. Après avoir grimacé sous la douleur, la jeune femme relâcha le couteau au sol. Même si elle ne s'entendait pas avec son frère, elle ne se voyait pas lui faire du mal. Il s'était parfois montré odieux avec elle, mais elle ne lui en voulait pas au point de s'en prendre à lui avec ce couteau.

S'il avait le sens de la famille - de façon discrète, soit, mais il l'avait tout de même - il ne pensait pas que ce dernier coûterait la vie à des dizaines d'inconnus. Ce jeu malsain ne prenait pas fin. La mort de tous ces innocents, qu'il n'arrivait pas à accepter, n'était pas suffisante pour la chose qui dirigeait tout cela. Non, le jeu continuait, même si aucun des deux n'avait envie de continuer. Enola exprimait son refus de continuer d'ailleurs. Elle exprimait clairement son envie d'arrêter, que le jeu s'arrêtait là pour eux et qu'ils voulaient sortir. Rien ne se passa. C'était évident. Pourquoi cette chose les écouterait-il ? Pourquoi seraient-ils libérés aussi facilement ?

Les choses étaient de pire en pire, elles allaient crescendo et Mycroft avait clairement peur pour la suite. Néanmoins, on ne leur laissait pas le choix. On leur parlait bien de dernière chance. Que se passerait-il pour eux si Enola continuait à ne pas vouloir participer ? Mycroft avait peur de le deviner, mais parce qu'elle n'avait pas le choix, elle avait choisi. Action. Une action horrible. Se blesser ou blesser son frère. Mycroft était prêt à endurer ça, s'il le fallait et même s'il n'était pas très courageux, mais la décision revenait à sa soeur.

Pourtant, courageuse, Enola s'entailla l'avant-bras, avec des gestes lents. La blessure n'était pas profonde, heureusement, mais Mycroft n'aurait pas aimé être à la place de sa soeur qui semblait souffrir. Le tour de Mycroft était donc arrivé. Cette fois-ci, il ne savait plus quoi choisir et sans trop réfléchir, il prononça : « Action. » Dans la seconde, l'action s'était affichée. Il devait monter sur les toits et grimper sur le rebord. Heureusement, on ne lui demandait pas de sauter, juste de se faire peur. « Très bien, allons-y. » Mycroft grimpa dans les escaliers pour trouver la porte qui menait au toit, autant le faire sans perdre de temps. Ce n'était pas extrêmement haut - trois étages - mais suffisamment pour qu'une mauvaise chute le tue.

Hésitant, tremblant, il avait fini par monter sur le rebord avec des gestes extrêmement précautionneux, priant pour ne pas tomber. « Je ne sais pas ce que cherche cette chose, mais... On ne tiendra plus longtemps. » Disait-il sans jamais regarder vers le bas. Les choses allaient trop loin, il fallait qu'ils trouvent une solution. Refuser clairement et simplement de jouer, comme l'avait fait Enola, mais en allant jusqu'au bout cette fois-ci était peut-être la solution... Qu'importe ce qui se passerait alors. Avaient-ils encore grand-chose à perdre de toute façon ?